jeudi 27 novembre 2008

L’abolition de la TVQ sur les produits culturels québécois: une bonne idée dont l’effet peut être nul en temps de crise

Le Parti Libéral du Québec faisait l’annonce le 18 novembre dernier de son intention, s’il est réélu, d’abolir la taxe de vente du Québec sur les produits culturels d’ici. Cette mesure toucherait également les œuvres d’art et pourrait donc avoir un effet stimulant sur le marché et les conditions socioéconomiques des artistes en arts visuels, pourvu qu’elle concerne les œuvres d’artistes vivants. Pour les quelque 3500 artistes de ce domaine, c’est donc de prime abord une promesse alléchante. Le RAAV salue cette promesse de M. Charest tout en s’interrogeant toutefois sur son efficacité réelle en temps de ralentissement économique.

L’objectif d’une telle mesure, dont le coût pour les finances publiques est estimé à cinquante millions de dollars (50 M$), est de laisser aux Québécois 7.5% de la valeur d’un produit culturel qu’ils achèteraient (billet de spectacle, œuvre d’art, DC, DVD…) pourvu qu’il soit produit ou réalisé par des artistes d’ici. Cette mesure compte sur le public pour qu’il réinvestisse cette somme dans l’acquisition d’autres produits culturels québécois. Elle a l’avantage de toucher tous les «consommateurs» de produits culturels et pourrait aider les créateurs québécois si la réaction attendue du public se concrétisait, ce qui est évidemment souhaitable. Cependant, plusieurs économistes considèrent que des réductions de taxes en période de ralentissement économique ont un effet contraire à celui qui est désiré.

Ne serait-il pas plus efficace de consacrer cet investissement de 50 millions de dollars à des programmes plus ciblés de stimulation du marché des œuvres des créateurs d’ici, pourvu qu’ils soient membres de leur association professionnelle sectorielle? Par exemple, dans le domaine des arts visuels: l’extension à nos concitoyens de la mesure fiscale qui permet aux entreprises d’amortir l’acquisition d’une œuvre d’art sur trois ans; la création pour les musées d’un fond d’acquisition d’œuvres d’artistes contemporains québécois et l’extension de la Politique d’intégration des arts à l’architecture aux grands projets d’infrastructure et aux PPP?

Peut-être aussi devrait-on confier à la SODEC et au CALQ une partie de cette somme avec le mandat clair de concevoir et de mettre en œuvre des programmes ciblés visant à stimuler le marché des divers produits culturels d’ici.

Le RAAV ne peut que saluer l’annonce faite le 18 novembre par M. Charest dans le cadre de la présente campagne électorale mais, advenant sa réélection, il l’invite à évaluer concrètement, avec les acteurs des divers domaines artistiques concernés, l’effet que pourrait avoir cette mesure sur les créateurs et les entreprises culturelles québécois.


30 –
Source :
Christian Bédard
Directeur général
Regroupement des artistes en arts visuels du Québec (RAAV)
514-866-7101 # 30

Stephen Harper sacrifie un secteur essentiel à l’économie canadienne : les arts et la culture

Le gouvernement Harper plonge volontairement les milieux artistique et culturel dans la pauvreté. Malgré les nombreux exemples démontrant l’impact catastrophique des coupes dans les programmes en culture, le gouvernement fédéral demeure sourd et maintient sa décision. Le ministre du Patrimoine canadien, James Moore, a en effet confirmé de manière définitive que les programmes PromArt et Routes commerciales ne seraient pas remplacés. Les arguments économiques de l’importance de ces programmes, les retombées en termes de rayonnement et de notoriété de la culture canadienne à l’étranger ainsi que la vitalité menacée de tout un secteur de la société semblent laisser de marbre un ministre pour qui la défense des intérêts de la communauté qu’il représente au gouvernement devrait pourtant être la priorité absolue.

«Ce gouvernement nous a menti de façon éhontée en disant qu’il n’y aurait pas de vide et que ces programmes seraient remplacés. C’est indigne d’un gouvernement, quel qu’il soit» d’affirmer le président du Conseil québécois du théâtre, Martin Faucher. Alors que le Premier ministre du Canada, dans son discours du trône, prétend prendre des mesures pour protéger le pays contre la crise économique, il sacrifie pourtant du même souffle tout un pan de la vie économique canadienne.

Il y a un peu plus d’un an, rassemblé aux Second États généraux du théâtre professionnel, le milieu théâtral québécois se prononçait sur les défis artistiques et économiques auxquels il doit faire face aujourd’hui. Chaque jour, au moins deux spectacles québécois de théâtre sont joués partout dans le monde. Le milieu théâtral revendiquait alors des ressources supplémentaires pour le rayonnement international. Le Canada, aujourd’hui confronté à une crise économique mondiale, prend des décisions qui privent le secteur artistique d’un levier indéniable de développement. « En effet, plus les semaines avancent et plus les compagnies de théâtres voient leurs années de travail réduites à néant » déplore Martin Faucher.

Dans le contexte actuel, il est illusoire d’espérer le moindre changement d’attitude de la part du gouvernement du Canada et nous sommes légitimement en droit de nous demander quelles sont les vraies raisons qui poussent James Moore et son gouvernement à maintenir une ligne aussi dure envers les artistes? Le Conseil québécois du théâtre va tout de même maintenir une pression pour tenter de faire entendre raison au ministre du Patrimoine canadien. « Comment interpréter, autrement que par une vengeance ou un mépris envers les artistes québécois et canadiens, cette obstination à maintenir coûte que coûte une décision aussi arbitraire qu’insensée? » de conclure Martin Faucher.

Un peu de place pour les arts plastiques.

Dans la société actuelle, les artistes ne sont pas à égalité. Il faut ici dissocier, malheureusement les artistes des arts dits «vivants» (spectacles vivants) des artistes en arts dits «plastiques» (peintres, sculpteurs, graveurs). Pour ces derniers, il n’y a pas de moments de chômage. Il n’y a jamais d’indemnisation pour «non» activité : en art plastique, l’artiste fait l’avance de tout (le temps et l’argent) et doit ensuite s’efforcer de vendre alors qu’il ou elle n’a pas forcément les qualités de persuasion d’un vendeur et que ses créations ne sont pas des marchandises.

On trouve normal de rémunérer un acteur de théâtre qui fait une prestation dans la rue pendant la fête du quartier mais on trouve aussi normal de demander à des peintres d’exposer pour agrémenter les murs d’une salle ou d’une rue sans leur verser un seul centime.

Pour les créations en arts plastiques , peinture, sculpture principalement, cela conduit évidement:

⇒ à une démarche « commerçante » donnant la première place aux plus médiatiques ,
⇒ ou bien à abandonner son activité pour un travail plus rémunérateur ,
⇒ ou, encore, à une vie « en marge » qui l’exclue de la reconnaissance et de l’utilité sociale.

Dans tous les cas, la société toute entière et son avenir s’appauvrissent …

Nous reviendrons souvent sur ce sujet car il disqualifie «le premier geste d’expression : un trait noir qui s’en va sur la feuille et l’aventure commence, depuis 50 000 ans …

Combien ça coûte ?

Combien économise-t-on en ne faisant pas … ?.
On sait à peu près répondre à cette question .
MAIS :
"Combien ça coûte de ne pas faire " ?…
→ des écoles. → des crèches. → des maisons de retraite.
→ des hôpitaux capables de recevoir et soigner tout le monde.
→ des maisons de la culture. → des salles de sport.
→ moyens de transport accessibles à tous et toutes.
→ des lieux de rencontre dans chaque commune, dans chaque quartier.
→ des bibliothèques dans chaque commune, dans chaque quartier.
→ des écoles de dessin et d’art dans chaque commune.
→ exiger la "pollution zéro" aux usines, aux voitures, aux agriculteurs

Combien ça coûte
→ d’éduquer nos enfants comme des "moutons consommateurs"
"→ de nous passer en boucle sur les téléviseurs le modèle américain en 28 épisodes où des experts rendent la justice du monde en observant un poil de c. au microscope …
→ de supprimer le beau au nom du rentable ou éduquer ainsi nos enfants dans un monde vulgaire (voir "éducation" (socle commun) et le "décor" de nos villes, la disparition des arts)
→ de faire croire que la vie est une lutte sans merci avec son voisin et qu’il faut tout faire pour devenir le plus riche du cimetière.

Combien ça coûte de nous faire oublier que nous avons tous et toutes 50 000 ans de mémoire et tout un avenir à construire jour après jour ?

Sortir de l’impasse par la création.

Ce texte a été écrit par Albert Camus et reste étonnement d’actualité.Prenez le temps de lire . Ce message est là, pour nous, depuis 50 ans : il parle de notre société , il parle de nous, il s’adresse à ce monde du début du 21° siècle.

Lisez le texte ci-dessous et comparez avec les discours actuels : qui parle "culture" aujourd’hui est traité de "gauchiste" ou d’"élitiste", selon le cas (voir question bêêête N° 44) sauf lorsqu’il y a le mot "industrie" avec : (industrie culturelle), alors, on parle commerce … Les projets électoraux qui nous sont présentés oublient totalement d’en faire un projet, et même d’en parler voir la lettre ouverte aux candidat(e) proposée par Horschamp.

En art, la révolte s’achève et se perpétue dans la vraie création, non dans la critique ou le commentaire. La révolution, de son côté, ne peut s’affirmer que dans une civilisation, non dans la terreur ou la tyrannie. Les deux questions que pose désormais notre temps à une société dans l’impasse : la création est-elle possible, la révolution est-elle possible, n’en font qu’une, qui concerne la renaissance d’une civilisation.

La révolution et l’art du 20° siècle sont tributaires du même nihilisme et vivent dans la même contradiction. Ils nient ce qu’ils affirment pourtant dans leur mouvement même et cherchent tous deux une issue impossible, à travers la terreur. … Finalement, la société capitaliste et la société révolutionnaire n’en font qu’une dans la mesure où elles s’asservissent au même moyen, la production industrielle, et à la même promesse. … La société de la production est seulement productrice, non créatrice.

… l’art et la société, la création et la révolution doivent, pour cela, retrouver la source de la révolte où refus et consentement, singularité et universel, individu et histoire s’équilibrent dans la tension la plus dure. La révolte n’est pas en elle-même un élément de civilisation. Mais elle est préalable à toute civilisation. Elle seule, dans l’impasse où nous vivons, permet d’espérer l’avenir dont rêvait Nietzsche : « Au lieu du juge et du répresseur, le créateur. » Formule qui ne peut pas autoriser l’illusion dérisoire d’une cité dirigée par des artistes. Elle éclaire seulement le drame de notre époque où le travail, soumis entièrement à la production, a cessé d’être créateur. La société industrielle n’ouvrira les chemins d’une civilisation qu’en redonnant au travailleur la dignité du créateur, c’est-à-dire en appliquant son intérêt et sa réflexion autant au travail lui-même qu’à son produit.

La civilisation désormais nécessaire ne pourra pas séparer, dans les classes comme dans l’individu, le travailleur et le créateur… C’est ainsi qu’elle reconnaitra à tous (et toutes) la dignité affirmée par la révolte. … Toute création nie, en elle-même, le monde du maitre et de l’esclave. La hideuse société de tyrans et d’esclaves où nous nous survivons ne trouvera sa mort et sa transfiguration qu’au niveau de la création.

... Un des sens de l’histoire d’aujourd’hui, et plus encore de demain, est la lutte entre les artistes et les nouveaux conquérants, entre les témoins de la révolution créatrice et les bâtisseurs de la révolution nihiliste. Sur l’issue de la lutte, on ne peut se faire que des illusions raisonnables. Du moins, nous savons désormais qu’elle doit être menée. Les conquérants modernes peuvent tuer, mais semblent ne pouvoir créer. Les artistes savent créer, mais ne peuvent réellement tuer. … Si, enfin, les conquérants pliaient le monde à leur loi, ils ne prouveraient pas que la quantité est reine, mais que ce monde est enfer. Dans cet enfer même, la place de l’art coïnciderait encore avec celle de la révolte vaincue, espoir aveugle et vide au creux des jours désespérés. Ernst Dwinger, dans son Journal de Sibérie, parle de ce lieutenant allemand qui, prisonnier depuis des années dans un camp où régnaient le froid et la faim, s’était construit, avec des touches de bois, un piano silencieux. Là, dans l’entassement de la misère, au milieu d’une cohue en haillons, il composait une étrange musique qu’il était seul à entendre. Ainsi, jetés dans l’enfer, de mystérieuses mélodies et les images cruelles de la beauté enfuie nous apporteraient toujours, au milieu du crime et de la folie, l’écho de cette insurrection harmonieuse qui témoigne au long des siècles pour la grandeur humaine. … La beauté, sans doute, ne fait pas les révolutions. Mais un jour vient où les révolutions ont besoin d’elle. …

En maintenant la beauté, nous préparons ce jour de renaissance où la civilisation mettra au centre de sa réflexion, loin des principes formels et des valeurs dégradées de l’histoire, cette vertu vivante qui fonde la commune dignité du monde et de l’homme, et que nous avons maintenant à définir en face d’un monde qui l’insulte.

Albert Camus Extrait de "L’homme révolté", chapitre : Révolte et Art, Création et révolution

Culture et démocratie

"L’accès à l’art et à la culture est un droit fondamental qui contribue à la formation du citoyen et constitue donc une composante essentielle pour la démocratie.


* La culture ne se réduit pas à sa dimension artistique, mais englobe tout ce qui permet d’appréhender le monde, de s’y situer et d’y agir individuellement et collectivement.


* Derrière l’action culturelle, ce qui nous importe c’est de :

  • donner à chaque individu des repères pour agir dans la société
  • lutter contre l’obscurantisme, source d’extrémisme et d’intolérance
  • combattre les inégalités culturelles : accès aux œuvres et valorisation du capital culturel de chacun."


Une démarche d’éthique sociale (socio-éducative) « C’est d’abord la poursuite du grand rêve démocratique, égalitaire et éducatif de Condorcet en l’an I de la République. Il a conçu, à la demande de l’Assemblée nationale, un projet d’éducation du peuple qui ne se limitait pas à l’école et qui englobait l’art de s’instruire par soi-même à tous les âges de la vie, dans une société où l’information continuait la formation et favorisait l’auto-formation permanente collective et individuelle comme nous dirions aujourd’hui. Il voulait "rendre la raison populaire" parce que comme disait son ami l’artiste Goya, "le sommeil de la raison enfante des monstres".
Source : "Peuple et culture" réseau d’associations d’éducation populaire, lutte contre les inégalités culturelles et pour le droit au savoir tout au long de la vie. Lien avec le site "Peuple et culture" : http://www.peuple-et-culture.org/
Lien vers les autres articles sur le sujet : suivre le mot-clé "culture" dont Culture d’humains et l’article sur l’association peuple et culture
— - L’industrie culturelle et ses effets - Analyse de T. Adorno en 1963

Observer, comprendre, imaginer, inventer, créer.

La consommation tue l’imagination parce qu’elle donne des réponses immédiates qui empêchent d’observer, de comprendre, d’inventer … C’est une perte de liberté.

Ce qui distingue l’animal humain du reste des animaux est, sans doute, la science, l’art, la création, l’invention.

En effet, que serions nous sans art ? Un ensemble disparate de peuples sans culture, sans histoire. Mais peut être aussi que l’espèce humaine aurait disparu depuis longtemps. N’oublions pas qu’elle a été pendant de nombreux millénaires une espèce en danger , en voie de disparition, bref, toujours sur le fil du rasoir de la survie.

Au lieu de disparaître, l’espèce humaine occupe toute la planète et y a inscrit ses marques depuis des millénaires. Partout ou presque , nous voyons des dessins, peintures, sculptures dans les grottes (tout au moins c’est là que nous les trouvons ) , des milliers de générations d’armes, ustensiles, poteries décorées à la mode du moment, des temples, des statues, des fresques, des légendes… Nous sommes riches de 50 000 ans de mémoire !

Nous sommes riches de créations …
La peinture, sculpture, théâtre, danse, musique … autant de mondes infinis. Depuis que les hommes et les femmes sont là sur terre, combien de mondes imaginaires créés ? Chacun est un nouvel espace avec ses émotions, ses personnages, ses paysages…
Quel pouvoir fabuleux nous avons !

Nous sommes riches d’imagination …
L’imaginaire existe sans et avec l’écriture. La préhistoire, c’est avant l’écriture dit-on. En fait le lien est étroit entre un dessin « gravé » et un signe « écrit » et c’est tout doucement que l’imaginaire a été « pris » par les mots pour devenir des histoires. Le pouvoir (et la nécessité sans doute) de créer des personnages, des histoires imaginaires a toujours existé. L’homme et la femme ont toujours ajouté à la réalité un autre monde, secret ou partagé. L’écriture a permis d’aller loin dans la vision d’autres mondes et l’explication de ce monde. (Mésopotamie : l’épopée de Gilgamesh par exemple) Les mots et la liberté d’imagination ont permis de multiplier à l’infini personnages, êtres hybrides, caractères, situations, décors et émotions. Il faudrait pouvoir réunir tous les personnages, tous les mondes, tous les sentiments, créés depuis le premier conte, la première musique, le premier tableau. Il faudrait plusieurs galaxies pour tout contenir. Il faudrait faire cela et tout visiter, tout ressentir, quel voyage ! Ce voyage, c’est la superbe révélation que nous pouvons tout essayer, tout comprendre, tout inventer, tout construire.
C’est avoir les ailes d’Icare et mieux encore pourvu que l’on continue TOUS ET TOUTES d’essayer, de comprendre, d’inventer, de construire !

La consommation tue l’imagination parce qu’elle donne des réponses immédiates qui empêchent d’observer, de comprendre, d’inventer … C’est une perte de liberté.brève
Extrait de "Playdoyer pour un Art équitable" lire la présentation : lien direct Lire aussi "Il faut agir" : lien direct pour un monde meilleur … Voir aussi les photos de Visages de pierre
Pour lutter contre le formidable pouvoir de l’ignorance : Voir aussi les livres de Bernard Stiegler "La télécratie" , "Réenchanter le monde" et le lien vers le site de l’association "Ars industrialis"

Le Squat’Art attire bien des curieux

Une dizaine d’artistes lanaudois se sont approprié la Maison des contes et légendes de Lavaltrie, où se tenait le vernissage du Squat’Art. Cette exposition a attiré une centaine de visiteurs. Ils ont pu admirer la diversité et la créativité à travers les œuvres exposées. Ceux qui ne pouvaient pas être présents au vernissage, le dimanche 16 novembre, ont jusqu’au 16 décembre pour aller y jeter un œil. La salle d'exposition sera ouverte au public du mercredi au vendredi, de 9h à 16h, ainsi que le samedi et le dimanche, de 13h à 17h.

Le Squat’Art permet de faire éclore l’art et la culture à la Maison des contes et légende et ce n’est qu’un début ! Jeunes et adultes sont invités à découvrir la Maison des contes et légendes sous un nouveau décor, celui des artistes et des auteurs de Lavaltrie. Les visiteurs peuvent les rencontrer et apporter leur caméra pour capturer les moments uniques de cette enceinte culturelle.

Pour de plus amples renseignements, Michel Goulet, agent de développement culturel de Lavaltrie, peut être contacté au 450.586.2921, poste 2239

mercredi 26 novembre 2008

Catharsis post-moderne: Des films et des chansons pour nettoyer l’âme*

Ce texte est né d’une phrase, simple à première vue et, peut-être, utilisé pour sa force expressive, qui figure à la fin d’ Une chanson d'amour pour Bobby Long, film de Shainee Gabel (2004), avec John Travolta dans le rôle de Bobby Long. La phrase fait partie de la biographie de Bobby Long écrite par Lawson (Gabriel Macht). Lawson écrit que e Bobby était "un homme qui savait que l'enfer est le plus court raccourci vers le ciel." Phrase objet de nombreuses interprétations qui ont occupé des centaines, voire des milliers de pages. Et cela depuis Aristote, qui, le premier, a théorisé sur la catharsis, la fonction essentielle de l'art à travers les temps.

AUTEUR: Fernando ESTEVES
Traduit par l'auteur. Révisé par Fausto Giudice

Je me concentre sur la question suivante: dans quel segment de l’art s’est concentrée la fonction cathartique? Réponse: dans la musique pop et le cinéma usaméricain. Mais avant de justifier cette réponse, éclairons certains points.

Quelques mots d’abord sur la tragédie grecque, comment elle fut conçue dans la période classique et, par conséquent, sur la notion même de "tragique". Ainsi, le thème de la catharsis apparaîtra plus clairement.

La tragédie grecque est un drame. Cependant, certaines caractéristiques propres à la tragédie grecque la distinguent d’autres types de drame. L'une des principales caractéristiques est la suivante: le conflit entre un personnage et un plus grand pouvoir, comme la loi, les dieux, le destin, les valeurs établies par la société, les tabous, les dogmes etc. Un exemple: la tragédie de Sophocle, Œdipe roi, le même Œdipe dont le « complexe » a rendu Freud mondialement célèbre. Résumons cette tragédie: Œdipe, un enfant atteint de malformation congénitale, est abandonné par ses parents à sa naissance. Devenu adulte, il tue son propre père, sans savoir qu’il est son père. Puis il se marie avec sa mère, sans être conscient de ce qu’elle est sa mère. Ici, le conflit se met en place. Œdipe est le prototype du martyr de l'inceste, thème toujours présent dans l'imaginaire, non seulement grec, mais de toutes les personnes de tous âges et en tous lieux (d’où l’immortalité de la pièce, et son impact sur les hommes des toutes les cultures et époques).

Résumons maintenant le fonctionnement de la catharsis. L’homme grec ancien, lorsqu’il assistait à une de ces tragédies, s’identifiait profondément avec leurs personnages, qui vivaient toutes les terreurs ancestrales, les tabous, les conflits sociaux. Il vivait , par le filtre de la poésie, tous les sentiments suscités par ces conflits. Voilà où intervient le miracle de la catharsis.

Lorsque toute cette misère accable le héros tragique, ce qu’exprime la poésie , le spectateur, nettoie son âme, il se reconnaît lui-même comme faisant partie d'un vaste "drame cosmique”. Quand le spectateur regarde cette tragédie, il trouve la force d'agir sur ses propres sentiments réprimés. Parce que ce qui opprime est cause de tension. L'art comme catharsis, peut être éclairé par la formule suivante d’Antonin Artaud sur le théâtre: « exposer collectivement les blessures ». Peut-être notre homme grec était-il soulagé par l’idée : “Je ne souffre pas tout seul!”.

L'art, selon cette fonction cathartique, rend la souffrance souhaitable comme moyen de purification, comme l’occasion de devenir meilleur. C’est ansi qu’on peut résumer la conception nietzschéenne du "tragique".

Revenons à notre objet . Quel est le segment de l'art qui est le plus engagé dans cette tâche de catharsis? Quel art, en disant même les plus terribles vérités, est capable de nous émouvoir et mobiliser non seulement la sensibilité, mais aussi notre sens moral, éthique et esthétique? Je crois que cette fonction est, de nos jours, presque entièrement concentrée dans les films (surtout usaméricains) et la musique pop dans ses aspects plus "raffinés"- et parfois non-raffinés, ce qu’il ne faut pas regretter - (Radiohead, par exemple; au Brésil, Zeca Baleiro est un bon exemple dans ce segment (par exemple, les albums "liricas" et "baladas do asfalto". On pourrait citer beaucoup d’autres exemples.


À partir des avant-gardes du 20e siècle, l'art s’est replié de plus en plus sur lui-même, sur sa langue, ses médias, ses implications sémiotiques etc; tout est métalanguage et concept. Cet art, inclus dans la soi-disant "haute culture",s’est déshumanisé, il est devenu stérile, incapable de dialoguer avec l’homme de son temps. Bien sûr, il est possible de faire de l'art qui touche les gens sans être "naïf" du point de vue formel.

Bien sûr, "une chanson d'amour pour Bobby Long" n'est pas une tragédie. J'ai utilisé le film comme un pretexte. Mais on peut identifier quelques caractéristiques "tragiques" subtiles qui apparaissent tout au long du film, parfois même implicitement. Par exemple, la "famille" est en conflit avec les valeurs établies par la société usaméricaine. Ils font face avec un courage de héros tragiques à la fin du rêve américain. Et ils savent que cela ne conduira nulle part. Ils connaissent leur destin et l’acceptent joyeusement et immédiatement( élément clé du héros tragique nietzschéen). Alors le spectateur accepte également son propre destin, en voyant ces personnages, "simples" mais grands et dignes. Lorsque nous nous rendons compte que les personnages ont des problèmes semblables aux nôtres, nous retournons a la communauté humaine, rétablissant l'unité de ce "drame cosmique", qui est la vie.

Et la la musique alors? Je me limiterai à un exemple. Un seul, mais avec le poids d'une chanson des Beatles. Je parle de “WHILE MY GUITAR GENTLY WEEPS”.


C’est une chanson qui parle d'une lassitude très particulière, spéciale même: la fatigue existentielle. Un poète qui contemple la “fin du monde”. Mais au lieu de nous déprimer, la musique nous touche. Pourquoi? Je vais répondre dans le contexte de la catharsis. Cette chanson des Beatles, a un ton qu’on pourrait appeler de «pathos escatologique," le sentiment de la fin d'un monde, d’une époque. Je pense que c'est le même pathos que dans THE WASTELAND, le long poème de TS Eliot.

La chanson exprime une vision partagée par un grand nombre de gens, mais tout le monde ne sait pas l’exprimer. La musique donne une plus grande portée à ce sentiment, nous donne l'impression de faire partie de quelque chose de plus grand , partagé par tout le monde. Bref, nous revenons au “ « drame cosmique » de l'existence. Pour un moment nous sommes poussés à agir, au moins moralement et émotionnellement.

Enfin, tout ce qu’il y a de conflit et de désintégration à l'écran ou dans la musique devient, au moment de la jouissance du film ou de la musique, véhicule d’unification entre les gens, les malheurs du héros tragique sont vécus collectivement, cela nous montre l'urgence de la vie humaine, l'urgence d'une position morale, éthique et affective.

Peut-être l'art n’est-il pas fait que de petites mensonges qui aident à vivre. L'art, dans sa fonction cathartique, c'est la vérité même. Björk a dit que la pop est aussi importante que l'air. Cela ne fait aucun doute. C’est la pop qui comprend et exprime le mieux nos conflits, l'amertume du monde actuel. En revanche, la « haute culture » est stérile. Elle mourra étouffée par ses concepts.

Je terminerai en citant Dostoïevski, qui a réalisé ce miracle de la catharsis, l’unification de l'espèce humaine pour un objectif commun (pour une compréhension totale de la vie):
« seulement l’art justifie la vie ».

* En portugais du Brésil nous avons une expression: “lavar a alma”( laver, ou nettoyer l’âme). Titre tout trouvé pour un texte sur la catharsis.

mardi 25 novembre 2008

La famine mondiale ignorée des grands décideurs nord-américains

Un rapport tout récent de la Banque mondiale, daté du 02/09/08, admet qu’en 2005, trois milliards 140 millions de personnes ont vécu avec moins de 2,50 dollars par jour. Et que 44% d’entre eux ont même survécu avec moins de 1,25 dollar.

Le 12 novembre 2008

Le seul constat possible face à une situation qui frappe un si grand nombre d’individus, essentiellement dans les zones urbaines, est la désolation complète et totale. Des choses simples comme le téléphone, l’alimentation, les vacances, la télévision, les soins dentaires et de santé sont inabordables pour des milliards de gens.

Starvation.net enregistre les impacts grandissants de la famine mondiale et de la privation totale de nourriture. Chaque jour, 30 000 personnes, dont 85% sont des enfants de cinq ans et moins, meurent de malnutrition, de maladies guérissables ou de famine. Le nombre de décès que l’on aurait pu éviter en 40 ans dépasse les 300 millions.

Ce sont ces personnes que David Rothkopf, dans son livre Superclass, appelle les « malchanceux » :
« Si vous êtes nés à la mauvaise place, comme en Afrique sub-saharienne… vous manquez de chance » écrit Rothkopf. Celui-ci continue en décrivant comment les 10% des personnes au sommet de l’échelle mondiale possèdent 84% de la richesse et comment la moitié la plus pauvre possède à peine 1%. Dans les 10% au sommet, les riches propriétaires sont les 1000 milliardaires mondiaux.
Mais cette disparité financière est-elle réellement due à la « malchance », ou n’est-ce pas plutôt le fruit de politiques soutenues par l’élite politique qui protège une minorité aux dépens du plus grand nombre?

Les agriculteurs mondiaux cultivent plus que ce qu’il faut pour nourrir correctement toute la population de la planète. La production globale de grains a atteint un record de 2,3 milliards de tonnes en 2007, soit une hausse de 4% par rapport à l’année précédente. Mais malgré cela, des milliards d’êtres humains souffrent quotidiennement de famine.

Grain.org décrit les raisons fondamentales de cette famine sans fin dans un article récent: Making a Killing from Hunger (« Cette famine qui tue ») : en même temps que les fermiers cultivent suffisamment pour alimenter la planète, les spéculateurs et les gros négociants en grains comme Cargill contrôlent les prix mondiaux des aliments et leur distribution.

La demande fait grimper les prix et la famine profite aux corporations : Cargill a annoncé que les profits pour l’échange des marchandises, au premier trimestre 2008, sont supérieurs de 86% à ceux de 2007. Les prix mondiaux ont crû de 22% de juin 2007 à juin 2008 et une large part de l’augmentation provient de la spéculation de 175 milliards de dollars sur les marchandises à venir. Le résultat a été des hausses et des baisses vertigineuses de prix qui engendrent ainsi une insécurité alimentaire généralisée et persistante.

Pour une famille très pauvre, une toute petite augmentation de prix est une question de vie ou de mort. Cependant pas un seul candidat à l’élection présidentielle des États-Unis n’a déclaré la guerre à la famine. Au lieu de cela, les deux candidats parlent de sécurité nationale et de la poursuite de la guerre au terrorisme, comme si c’était cela la question prioritaire: le 11 septembre 2001, il y a eu dix fois plus de personnes mortes de faim que de victimes de l’attentat du World Trade Center.

Où est donc le projet Manhattan contre la famine mondiale? Où est l’engagement pour la sécurité nationale concernant l’aide unilatérale contre la famine? Où est l’indignation dans les média qui exhibent pourtant des photos d’enfants agonisants? Où est la révolte contre ceux qui tirent profit de la famine?

Le peuple américain voudrait se voiler la face au sujet des enfants affamés et croit qu’on ne peut faire que peu de chose pour eux, excepté l’envoi d’un don à son organisme de charité préféré, en guise de soulagement de sa culpabilité. Mais donner n’est pas assez, nous devons aussi demander une aide alimentaire comme politique nationale lors du prochain mandat présidentiel. Pour nous qui faisons partie de la nation la plus riche du monde, c’est un devoir sacré de mettre en place un mouvement politique ayant pour but l’amélioration du sort de l’humanité et la lutte contre la famine pour les milliards de personnes. La famine mondiale et les inégalités exagérées de richesse sont dues à des politiques que nous pouvons changer. Il n’y aura pas de sécurité nationale aux États-Unis si on ne résout pas les besoins alimentaires de base.


Article original en anglais, Global Starvation Ignored by American Policy Elites, publié le 5 septembre 2008.

Traduit par Daniel Paquet et Michel Pratte pour Investigaction.

Peter Phillips est professeur de sociologie à l’Université d’État Sonoma et directeur du groupe de recherche et directeur du groupe de recherche en média « Project Censored ». Son nouveau livre Censored 2009 est maintenant disponible chez Seven Stories Press.

Analyse alternative des crises en cours



Eric TOUSSAINT est docteur en sciences politiques des universités de Liège et de Paris VIII, président du CADTM Belgique, auteur de nombreux livres et articles parmi lesquels les deux derniers ont à voir avec l’analyse de la crise actuelle. L’un est paru en janvier 2008 et est intitulé « Banque du Sud et nouvelle crise internationale », coédition CADTM-Syllepse, Liège-Paris, 2008. Le deuxième est sorti d’imprimerie aujourd'hui mardi 28 octobre 2008 et sera en librairie dans les semaines qui viennent. Il s’intitule « 60 Questions/60 Réponses sur la dette, le FMI et la Banque mondiale ». Il est coédité par le CADTM et Syllepse, Liège-Paris.

La fin de la pauvreté ?



Avec tant de richesses dans le monde, comment peut-on avoir autant de pauvreté ? « La Fin de la Pauvreté ? » retourne au début des temps modernes, au début des temps coloniaux, pour comprendre quand mais aussi pourquoi tout cela a commencé ? Les experts internationaux aussi bien que les victimes nous apportent des éléments de réponse, condamnant le colonialisme, l’économie de marché, la dette du tiers-monde, l’appropriation des terres et des autres ressources naturelles, qui entre autres condamnent les pays du tiers-monde et tous ceux qui s’efforcent de survivre dans un environnement toujours plus hostile. N’est-il pas temps de se demander pourquoi aujourd’hui 25% de la population mondiale consomme plus de 85% des ressources de la planète ?

Aidons les banques (vidéo)



Les banques et les banquiers ne sont hélas trois fois hélas que les pauvres victimes d'un méchant système tombé subitement, à la surprise générale, sur la tête... Pour aider la finance sans qui nous ne pourrons pas partir en vacances en camping-car lorsque nous serons à la retraite à 70 ans, nous devons soutenir notre président sarkozy. Il se dévoue personnellement pour donner notre argent à ces pauvres banquiers si miséreux...

Quel homme ! Quelle générosité ! Bon sang que nous sommes bons envers ces pauvres de la finance !

...et pour les quelques ignorants de la chose de la finance, et vu que cela n'est jamais enseigné nulle part voici quelques liens pour commencer à y comprendre quelque chose :

L'argent dette : l'excellent documentaire et de Paul Grignon en VF :

- http://www.dailymotion.com/relevance/search/l%2527argent%2Bdette/video/x75e0k_largent-dette-de-paul-grignon-fr-in_news

http://cordonsbourse.blogs.liberation.fr/cori/
où les commentaires des lecteurs complètent magnifiquement les articles...

http://econoclaste.org.free.fr/dotclear/index.php/

voyez aussi les favoris de lachoucroutegarnie...

et pour moins bêler avec les médias de masse (propriété de la finance) qui mentent par omission, amnésie et ignorance :

http://www.arretsurimages.net

http://www.bakchich.info/

http://www.la-bas.org/

http://www.altermonde-sans-frontiere.com/

http://www.solidariteetprogres.org/

et faites votre propre liste en cherchant et réflechissant... comme d'hab !
et puis toujours en kiosque : le canard enchainé et depuis peu siné hebdo !

Bêêêê Bêêêêê Bêêêê quand est qu'on mange ?

lundi 24 novembre 2008

Décroissance

Journée sans achat 2008

Journée mondiale sans achat le samedi 29 novembre



Et si on profitait de la crise pour s’arrêter et réfléchir ?

Journée sans achat 2008 - Samedi 29 novembre

À tous les tartufes qui vont nous dire : « Vous n’avez pas honte d’appeler à une Journée sans achat alors que le monde est en crise ? », nous rappelons que le plus sûr moyen d’aggraver la crise est de continuer dans la fuite en avant du consumérisme sans être capables de s’arrêter pour réfléchir.


La société de consommation est aveugle, il n’y a pas de croissance et de développement économique infinis possibles sur une planète dont les ressources sont limitées. Nous extrayons aujourd’hui deux fois trop de ressources fossiles, et nous émettons dans l’atmosphère plus de deux fois plus de gaz carbonique que la planète ne peut en absorber. La biodiversité s’effondre.

C’est aujourd’hui que l’extraction du pétrole entre en déclin. La société de consommation engendre un pillage et l’injustice : 20 % de la population de la planète, les pays riches, consomment plus de 80 % des ressources planétaires.

Notre niveau de consommation a un coût : l’esclavage économique de populations entières. La société de consommation est mortifère, elle réduit l’humain à n’être qu’un agent économique : producteur-consommateur. Elle nie nos dimensions politique, culturelle, philosophique, poétique ou spirituelle qui sont l’essence même de notre humanité. Nous devons nous libérer de cet obscurantisme qui consiste à croire en la toute-puissance de la technoscience et à nous défausser sur elle de nos responsabilités.


La science repose sur le doute et non sur la foi.
L'espoir est de réanimer notre conscience et de traduire nos idées au quotidien dans nos actions. Renouons avec notre capacité d’autolimitation et de création, individuellement, avec la simplicité volontaire, et collectivement, grâce à la décroissance.


Débâcle financière, crise systémique: réponses illusoires et réponses nécessaires

par Samir Amin

Pour donner suite aux articles de Michel Husson et François Chesnais, publiés dans nos deux derniers numéros nous donnons ici la parole à Samir Amin sur la débacle financière et la crise systémique du capitalisme.

«Pour saisir sa genèse, dit-il, il faut se débarrasser de la définition courante du capitalisme que l’on définit aujourd’hui comme “néolibéral mondialisé”. Cette qualification est trompeuse et cache l’essentiel.»

Le système capitaliste actuel est dominé par une poignée d’oligopoles [marché sur lequel il y a un petit nombre de vendeurs et un grand nombre d’acheteurs, NDLR] qui contrôlent la prise des décisions fondamentales dans l’économie mondiale.Des oligopoles qui ne sont pas seulement financiers, constitués de banques ou d’assurances, mais de groupes intervenant dans la production industrielle, dans les services, les transports, etc. Leur caractéristique principale est leur financiarisation. On doit entendre par là que le centre de gravité de la décision économique a été transféré de la production de plus-value dans les secteurs productifs, vers la redistribution des profits occasionnée par les produits dérivés des placements financiers. C’est une stratégie poursuivie délibérément non par les banques mais par les groupes «financiarisés». Ces oligopoles ne produisent d’ailleurs pas de profits, ils raflent tout simplement une rente de monopoles par le biais de placements financiers.

La crise financière était inévitable
Ce système est extrêmement profitable aux segments dominants du capital. Ce n’est donc pas une économie de marché, comme on veut le dire, mais un capitalisme d’oligopoles financiarisés. Cependant, la fuite en avant dans le placement financier ne pouvait pas durer éternellement, alors que la base productive ne croissait qu’à un taux faible.

Cela n’était pas tenable. D’où la dite «bulle financière», qui traduit la logique même du système de placements financiers. Le volume des transactions financières est de l’ordre de deux mille trillions de dollars [en français, 1 trillion = 1 milliard de milliards; en anglais, un trillion = 1000 milliards; l’auteur fait référence ici au sens anglais, NDLR], alors que la base productive, le PIB mondial est de 44 trillions de dollars seulement. Un multiple gigantesque.

Il y a trente ans, le volume relatif des transactions financières n’avait pas cette ampleur. Ces transactions étaient destinées à titre majeur à la couverture des opérations directement exigées par la production et le commerce intérieur et international. La dimension financière de ce système des oligopoles financiarisés était – comme je l’ai déjà dit – le talon d’Achille de l’ensemble capitaliste. La crise devait donc être amorcée par une débâcle financière.

En toile de fond, la crise systémique du capitalisme vieillissant
Il ne suffit pas d’attirer l’attention sur la débâcle financière. Derrière elle, se dessine une crise de l’économie réelle, car la dérive financière elle-même va asphyxier la croissance de la base productive; les solutions apportées à la crise financière ne peuvent que déboucher sur une crise de l’économie réelle. C’est-à-dire une stagnation relative de la production, avec ce qu’elle va entraîner: régression des revenus des travailleurs-euses, accroissement du chômage, précarité grandissante et aggravation de la pauvreté dans les pays du Sud. On doit maintenant parler de dépression et non plus de récession.

Et derrière cette crise, se profile à son tour la véritable crise structurelle systémique du capitalisme. La poursuite du modèle de la croissance de l’économie réelle, telle que nous le connaissons, et de celui de la consommation qui lui est associé, est devenu, pour la première fois dans l’histoire, une véritable menace pour l’avenir de l’humanité et de la planète.

La dimension majeure de cette crise systémique concerne l’accès aux ressources naturelles de la planète, devenues considérablement plus rares qu’il y a un demi-siècle. Le conflit Nord/Sud constitue de ce fait l’axe central des luttes et des conflits à venir.

Centralité du conflit Nord/Sud
Le système de production et de consommation/gaspillage en place interdit l’accès aux ressources naturelles du globe à la majorité des habitant-e-s de la planète, les peuples des pays du Sud. Autrefois un pays émergent pouvait prélever sa part de ces ressources sans remettre en question les privilèges des pays riches. Mais aujourd’hui, ce n’est plus le cas. La population des pays opulents – 15% de la population de la planète – accapare pour sa seule consommation et son gaspillage 85% des ressources du globe, et ne peut pas tolérer que des nouveaux venus puissent accéder à ces ressources, car ils provoqueraient des pénuries graves qui menaceraient les niveaux de vie des riches.

Si les Etats-Unis se sont donnés l’objectif du contrôle militaire de la planète, c’est parce qu’ils savent que sans ce contrôle ils ne peuvent pas s’assurer l’accès exclusif à ces ressources. Comme on le sait, la Chine, l’Inde et le Sud dans son ensemble ont également besoin de ces ressources pour leur développement. Pour les Etats-Unis, il s’agit impérativement d’en limiter l’accès et, en dernier ressort, il n’y a qu’un moyen, la guerre.

D’autre part, pour économiser les sources d’énergie d’origine fossile, les Etats-Unis, l’Europe et d’autres développent des projets de production d’agrocarburants à grande échelle, au détriment de la production vivrière dont ils accusent la hausse des prix.

Réponses illusoires des pouvoirs en place
Les pouvoirs en place, au service des oligopoles financiers, n’ont pas de projet autre que celui de remettre en selle ce même système. Les interventions des Etats sont d’ailleurs celles que cette oligarchie leur commande. Néanmoins, le succès de cette remise en selle n’est pas impossible, si les infusions de moyens financiers sont suffisantes et si les réactions des victimes – les classes populaires et les nations du Sud – demeurent limitées. Mais dans ce cas, le système ne recule que pour mieux sauter, et une nouvelle débâcle financière, encore plus profonde, sera inévitable, car les «aménagements» prévus pour la gestion des marchés financiers et monétaires sont largement insuffisants, puisqu’ils ne remettent pas en cause le pouvoir des oligopoles.

Par ailleurs ces réponses à la crise financière par l’injection de fonds publics faramineux pour rétablir la sécurité des marchés financiers, sont amusantes: alors que les profits avaient été privatisés, dès lors que les placements financiers s’avèrent menacés, on socialise les pertes! Pile, je gagne, face, tu perds.

Les conditions d’une réponse positive véritable aux défis
Il ne suffit pas de dire que les interventions des Etats peuvent modifier les règles du jeu, atténuer les dérives. Encore faut-il en définir les logiques et la portée sociales. Certes, on pourrait en théorie revenir à des formules d’association des secteurs publics et privés, d’économie mixte, comme pendant les Trente glorieuses en Europe et de l’ère de Bandung en Asie et en Afrique, lorsque le capitalisme d’Etat était largement dominant, accompagné de politiques sociales fortes. Mais ce type d’interventions de l’Etat n’est pas à l’ordre du jour. Et les forces sociales progressistes sont-elles en mesure d’imposer une transformation de cette ampleur ? Pas encore, à mon humble avis.

L’alternative véritable passe par le renversement du pouvoir exclusif des oligopoles, lequel est inconcevable sans finalement leur nationalisation pour une gestion s’inscrivant dans leur socialisation démocratique progressive. Fin du capitalisme? Je ne le pense pas. Je crois en revanche que de nouvelles configurations des rapports de force sociaux imposant au capital de s’ajuster, lui, aux revendications des classes populaires et des peuples, est possible. A condition que les luttes sociales, encore fragmentées et sur la défensive dans l’ensemble, parviennent à se cristalliser dans une alternative politique cohérente. Dans cette perspective l’amorce de la longue transition du capitalisme au socialisme devient possible. Les avancées dans cette direction seront évidemment toujours inégales d’un pays à l’autre et d’une phase de leur déploiement à l’autre.

Les dimensions de l’alternative
Les dimensions de l’alternative souhaitable et possible sont multiples et concernent tous les aspects de la vie économique, sociale, politique. Je rappellerai ici les grandes lignes de cette réponse nécessaire:

(i) La ré-invention par les travailleurs-euses d’organisations adéquates permettant la construction de leur unité, transcendant l’éclatement associé aux formes d’exploitation en place (chômage, précarité, informel).

(ii) La perspective est celle d’un réveil de la théorie et de la pratique de la démocratie, associée au progrès social et au respect de la souveraineté des peuples et non dissociée de ceux-ci.

(iii) Se libérer du virus libéral fondé sur le mythe de l’individu déjà devenu sujet de l’histoire. Les rejets fréquents des modes de vie associés au capitalisme (aliénations multiples, patriarcat, consumérisme et destruction de la planète) signalent la possibilité de cette émancipation.

(iv) Se libérer de l’atlantisme et du militarisme qui lui est associé, destinés à faire accepter la perspective d’une planète organisée sur la base de l’apartheid à l’échelle mondiale.
Internationalisme et anti-impérialisme
Dans les pays du Nord, le défi implique que l’opinion générale ne se laisse pas enfermer dans un consensus de défense de leurs privilèges vis-à-vis des peuples du Sud. L’internationalisme nécessaire passe par l’anti-impérialisme, non l’humanitaire.

Dans les pays du Sud, la stratégie des oligopoles mondiaux entraîne le report du poids de la crise sur leurs peuples (dévalorisation des réserves de change, baisse des prix des matières premières exportées et hausse de ceux des importations). La crise offre l’occasion du renouveau d’un développement national, populaire et démocratique autocentré, soumettant les rapports avec le Nord à ses exigences, autrement dit la déconnexion. Cela implique:

(i) La maîtrise nationale des marchés monétaires et financiers.

(ii) La maîtrise des technologies modernes désormais possible.

(iii) La récupération de l’usage des ressources naturelles.

(iv) La mise en déroute de la gestion mondialisée dominée par les oligopoles (l’OMC) et du contrôle militaire de la planète par les Etats-Unis et leurs associés.

(v) Se libérer des illusions d’un capitalisme national autonome dans le système et des mythes passéistes.

(vi) La question agraire est en effet au cœur des options à venir dans les pays du tiers monde. Un développement digne de ce nom exige une stratégie politique de développement agricole fondée sur la garantie de l’accès au sol de tous les paysan-ne-s (la moitié de l’humanité). En contrepoint, les formules préconisées par les pouvoirs dominants – accélérer la privatisation du sol agraire et transformer le sol agraire en marchandise – entraînent l’exode rural massif que l’on connaît. Le développement industriel des pays concernés ne pouvant pas absorber cette main d’œuvre surabondante, celle-ci s’entasse dans les bidonvilles ou se laisse tenter par les aventures tragiques de fuite en pirogue à travers l’Atlantique. Il y a une relation directe entre la suppression de la garantie de l’accès au sol et l’accentuation des pressions migratoires.

(vii) L’intégration régionale, en favorisant le surgissement de nouveaux pôles de développement, peut elle constituer une forme de résistance et d’alternative? La régionalisation est nécessaire, peut- être pas pour des géants comme la Chine et l’Inde, ou même le Brésil, mais certainement pour beaucoup d’autres régions, en Asie du Sud-Est, en Afrique ou en Amérique Latine. Ce continent est un peu en avance en ce domaine. Le Venezuela a opportunément pris l’initiative de créer l’Alba (Alternative bolivarienne pour l’Amérique latine et les Caraïbes) et la Banque du Sud (Bancosur), avant même la crise. Mais l’Alba – un projet d’intégration économique et politique – n’a pas encore reçu l’adhésion du Brésil ni même de l’Argentine. En revanche, le Bancosur, censé promouvoir un autre développement, associe également ces deux pays, qui jusqu’à présent ont une conception conventionnelle du rôle de cette banque.

Des avancées dans ces directions au Nord et au Sud, bases de l’internationalisme des travailleurs-euses et des peuples, constituent les seuls gages de la reconstruction d’un monde meilleur, multipolaire et démocratique, seule alternative à la barbarie du capitalisme vieillissant. Plus que jamais le combat pour le socialisme du 21e siècle est à l’ordre du jour.

*Version abrégée de la présentation faite par Samir Amin, président du Forum Mondial des Alternatives, à l’ouverture de la rencontre organisée par En Defensa de la Humanidad et le Forum Mondial des Alternatives, Caracas le 13 octobre 2008. Titre original de la présentation: «A la lumière de la crise en cours, les conditions d’un renouveau socialiste».

Articles de Samir Amin publiés par Mondialisation.ca

AUX ETATS UNIS, “LES GENS SONT VRAIMENT TERRIFIÉS”

La peur n’est pas un bon facteur politique… il transforme les gens en moutons qui se précipitent dans l’enclos rassurant, sous la protection du “berger”. La peur n’est révolutionnaire que si elle donne naissance à la colère… mais le “tittytainment” aux USA est bien trop solidement établi pour laisser le temps aux gens de réfléchir et se mettre en colère.

Comme le dit Tim Carr : “Dans ma banlieue de Chicago, sur une population de 37 000 foyers, il y a eu 11 000 saisies de maisons depuis l’été dernier… quand on jette à la rue la moitié d’une ville, on pourrait s’attendre à un mouvement de colère populaire, non ? Et bien non. Pas chez nous. Les gens sont tellement habitués à se laisser faire qu’ils ramassent leur cliques (ou bien abandonnent tout sur place) et s’en vont… L’establishment peut dormir tranquile, les gens ne se révoltent plus au pays de la liberté. 50 ans de néo-capitalisme nous a enlevé tout sens de l’action collective…”

[De Defensa - 22/10/2008]

Les indices et enquêtes s’accumulent pour montrer une humeur complètement catastrophique des Américains. Toutes les enquêtes et sondages mettent en évidence une chute vertigineuse de l’humeur des citoyens vers la panique, la colère et l’angoisse. Des phrases d’analystes de ces sondages telles que: «Les gens sont vraiment terrifiés», nous paraissent complètement significatives.

• Le 17 octobre, le Financial Times publiait les résultats d’une enquête régulière de l’université du Michigan, commencée en 1978 et produisant des résultats mensuels sous forme d’index de confiance des consommateurs. L’index est tombé de 70,3 en septembre à 57,7 en octobre, le plus bas niveau atteint depuis que cette enquête existe.

«US consumer confidence has fallen more sharply this month than in any month since records began in 1978, a widely followed survey showed on Friday, raising fresh fears about consumer spending. The University of Michigan consumer sentiment index fell from 70.3 in September to 57.5 in October, well below economists’ expectations. The sharp deterioration raises the danger that US households, scared by the extraordinary events of recent weeks and weighed down by the fall in stock and house prices, will retrench, sending the economy into what could be a deep recesssion.

»“People are really terrified and this has the potential to have a big impact on spending,” Frederic Mishkin, a professor at Columbia University and former governor of the Federal Reserve, told the Financial Times prior to the release of the Michigan figures.»

• Une seconde enquête portant sur la satisfaction des gens de la conduite du pays, de son avenir, etc., est publié par CNN.News le 21 octobre. Là aussi l’importance du résultat, les déclarations des personnes qui ont fait l’objet de l’enquête, sont absolument inhabituelles. Dans ce cas également, le nombre de personnes admettant qu’elles sont “terrifiées” par l’atmosphère des temps actuels est extraordinaire, selon un commentateur de l’enquête. En général, les personnes interrogées tendent à dissimuler des sentiments d’une telle violence.

«A new national poll suggests that only a quarter of Americans think things are going well in the country today, while the rest of those questioned are angry, scared and stressed out. Seventy-five percent of those surveyed in a CNN/Opinion Research Corp. poll released Tuesday said things are going badly in the United States. An equal portion of those polled said they are angry about the way things are going. Two-thirds of those questioned said they’re scared about the way things are going and three in four said the current conditions in the country are stressing them out.

»“It’s scary how many Americans admit they are scared,” said Keating Holland, CNN’s polling director. “Americans tend to downplay the amount of fear they have when facing tough times. The fact that more than six in 10 say that they are scared shows how bad things are getting.” The 25 percent who said things are going well in the country is another indicator of the negative mood among Americans. “Prior to 2008, we have seen that level of dissatisfaction only three times in the past four decades – during Watergate, the Iranian hostage crisis and the recession of 1992,” Holland added.»

…Effectivement, c’est la violence des sentiments qui est remarquable, et l’observation de Keating Holland, le directeur de la deuxième enquête, est également notable dans ce sens, – impliquant elle-même un sentiment de “terreur” chez ceux-là même qui découvrent les chiffres de l’enquête, et la “terreur” des Américains: «C’est terrifiant de constater combien d’Américains sont terrifiés».

Il s’agit d’une atmosphère spécifique, qui entretient elle-même sa crainte et son angoisse, et alimente une spirale de crainte génératrice d’accroissement des comportements participant objectivement à l’aggravation de la crise. Au contraire de divers aspects dissemblables, notamment au niveau économique, il s’agit là d’une spécificité psychologique renvoyant sans aucun doute à la Grande Dépression, à l’atonie, la paralysie qui marquèrent le comportement et l’évolution de la population, avec comme point d’orgue la fameuse phrase de FDR lors de son inauguration comme nouveau président des USA, le 4 mars 1933 («La chose dont il faut avoir le plus peur, c’est la peur elle-même»).

Un aspect étrange de la situation est que l’actuelle administration a fait de la peur sa politique principale vis-à-vis de la population, notamment avec le 11 septembre 2001. C’est à nouveau la peur de la population qu’ont sollicitée, ou qu’ont tenté de susciter les dirigeants US en septembre, au moment du plan Paulson. Aujourd’hui, ils ont cette peur, mais elle les dépasse complètement car elle a moins pour cause les événements financiers et leurs exhortations que l’aggravation de la situation économique, l’orientation du pays, etc. Aujourd’hui, au contraire, les Bush & compagnie tentent de lutter contre la peur de la population. En fait, la population se fout du président Bush, dont les interventions ressemblent, comme le rapporte William Pfaff, au “coucou” de la pendule («President Bush […] popped out of the White House once a day, as from a cuckoo-clock, to make an announcement no one paid attention to»). De ce point de vue, si les gens sont “terrifiés”, la chose est sans rapport avec les agitations de Washington, et cette déconnexion entre la population et ses dirigeants, autant que la peur elle-même, a toutes les raisons de “terrifier” ces mêmes dirigeants, et ceux qui dépouillent les sondages

http://www.dedefensa.org/article-_les_gens_sont_vraiment_terrifies__22_10_2008.html

Phase IV de la Crise Systémique Globale : Rupture Système Monétaire Mondial d’ici l’été 2009

La réunion du G20 à Washington des 14/15 Novembre 2008, est en soi un indicateur historique, qui signale la fin du monopole occidental, avant tout anglo-saxon, sur la gouvernance économique et financière mondiale. Mais, pour LEAP/E2020, cette réunion a aussi clairement démontré que ces sommets sont condamnés à l’inefficacité face à la crise car ils se limitent à traiter les symptômes (dérives financières des banques et autres hedge funds, explosion des produits financiers dérivés, volatilité extrême des marchés financiers et des devises, ...) sans traiter la cause principale de la crise systémique globale actuelle, à savoir l’effondrement du système de Bretton Woods fondé sur le Dollar US comme pivot de l’édifice monétaire mondial. Sans remise à plat complète du système hérité de 1944 d’ici l’été 2009, la faillite du système actuel et des Etats-Unis qui en sont le cœur entraînera l’ensemble de la planète vers une instabilité économique, sociale, politique et stratégique sans précédent, marquée notamment par la rupture du système monétaire mondial à l’été 2009. Au vu du jargon et du calendrier technocratiques du communiqué de ce premier Sommet du G20, totalement déconnecté de la vitesse et de l’ampleur de la crise en cours [1], il plus que probable qu’il faudra d’abord en passer par cette catastrophe pour que les problèmes de fond soient concrètement abordés et un début de réponse efficace à la crise enfin amorcé.

Quatre phénomènes fondamentaux jouent désormais à pleine puissance pour faire s’effondrer le système de Bretton Woods II [2] dans le courant de l’année 2009, à savoir :

1. Affaiblissement très rapide des acteurs centraux historiques : USA, UK 2. Trois visions d’avenir de la gouvernance globale vont diviser les principaux acteurs mondiaux (Etats-Unis, Eurozone, Chine, Japon, Russie, Brésil) d’ici le Printemps 2009 3. Accélération incontrôlée des processus (dé)stabilisateurs de la dernière décennie 4. Multiplication de chocs-retours d’une violence accrue.

LEAP/E2020 a déjà largement anticipé dans les derniers numéros du GEAB les phénomènes 1 et 4. Dans ce GEAB N°29, nous nous concentrerons sur les phénomènes 2 et 3.

Ainsi, la fébrilité qui a saisi les dirigeants mondiaux depuis la fin Septembre 2008 illustre clairement un sentiment de panique au plus haut niveau. Les responsables politiques de l’ensemble de la planète ont bien compris désormais qu’il y avait le feu à la maison. Mais ils n’ont pas perçu une évidence : c’est la structure même de l’édifice qui est en cause. Il ne s’agit pas simplement d’améliorer les consignes anti-incendie ou l’organisation des secours. Pour prendre une image symbolique forte, les tours jumelles du World Trade Center ne se sont pas effondrées parce que les pompiers ont eu du retard ou parce qu’il n’y avait pas assez d’eau dans le système automatique anti-incendie : elles se sont effondrées parce que leur structure n’était pas faite pour encaisser le choc de deux avions de ligne les percutant quasi-simultanément.

Le système monétaire mondial actuel est dans une situation identique : les deux tours, c’est Bretton Woods, et les avions s’appellent « crise des subprimes », « crise du crédit », « faillites bancaires », « récession économique », « Très Grande Dépression US », « déficits US », ... une vraie escadrille.

Prix du public et prix jeune entrepreneur au Gala Promexcel 2008 pour le Café de la Chasse-galerie



La visibilité sur Internet : la quête du Graal du 21ème siècle (partie 2)

Où on va parler de Web 2.0, de relations interpersonnelles, de construction de soi, de trolls, de contenu et enfin de visibilité !

Dans l’article précédent, on a passé en détail les raisons qui poussent les entreprises commerciales à acquérir de la visibilité sur Internet. On a défini pour cela des concepts qui nous ont permis de mieux comprendre les tenants et aboutissants pour l’entreprise commerciale de la communication dite interactive. Il est grand temps d’aborder la visibilité sur Internet dans un sens plus vaste, c’est-à-dire ne pas limiter le champ d’exploration du concept uniquement à l’intérêt profitable (dans le sens pécuniaire du terme) mais dans son ensemble, pour en comprendre les raisons et en aborder les limites.

Dans l’introduction je parlais de Web 2.0, et il me semble qu’il est nécessaire à ce niveau là de la réflexion d’essayer de définir ce que des marketeurs judicieux ont réuni sous le concept de Web 2.0. Pour stopper toute velléité effrénée de la part de mes détracteurs (qui aiment ça), je vais ajouter que cette définition n’est en rien une vérité transcendantale, mais plutôt la façon dont j’envisage cette évolution du réseau Internet.

Le Web 2.0 est une expression lancée dès 2004 par Tim O’Reilly pour désigner le renouveau du World Wide Web. Le renouveau consiste en un changement des usages du Web. Il s’explique par comparaison aux usages initiaux du Web. Les usages initiaux du Web sont la recherche d’informations, la mise à disposition de contenu figé, statique, sans ou avec de faibles mises à jour de contenu. Le Web 2.0 lui permet une mise à jour de contenu sans cesse renouvelée grâce aux nouvelles technologies mises en œuvre, mais aussi par la mise à contribution de l’utilisateur. C’est là la grande nouveauté, le Web 2.0, c’est le web participatif, c’est le web qui implique les participants. C’est aussi le web qui battit des réseaux, dit réseaux sociaux. Les réseaux sociaux sont la mise en relation d’utilisateurs sur la base d’intérêt communs. Les plus connus/employés à ce jour sont par exemple Myspace (qui vieillit mal, mais c’est un avis), Facebook, les réseaux professionnels tels que Viadeo ou LinkedIn…

Les outils les plus emblématiques de cette révolution des usages du Web sont bien évidemment les blogs qui permettent aux usagers d’Internet de proposer du contenu. Par extension, et plus récemment, les sites de partage vidéo tels Dailymotion ou Youtube sont assez représentatifs de cet esprit participatif. De là à dire que Ségolène Royal a pompé le concept pour sa campagne, il n’y a qu’un pas que je ne me permettrai pas de franchir !

Une des grandes nouveautés est aussi la possibilité pour l’internaute de personnaliser l’usage qu’il fait d’Internet. On a coutume de dire en parlant « Web 2.0 » que ce n’est plus l’utilisateur qui va chercher l’information, mais que l’information vient à lui. C’est le cas avec les flux Rss qui permettent de centraliser toutes les informations (mises à jour) sur une seule et même page d’accueil.

On a bien compris avec cette description rapide, et qui ne se veut absolument pas exhaustive, la définition des nouveaux usages d’Internet. Mais vous me direz, arrête de déblatérer des concepts surannés, et viens en à l’essentiel ! Et vous n’auriez pas tort ! Que viens faire la visibilité dans tout ça ? Il est temps d’entrer à pieds joints dans le vif du sujet.

Internet est devenu ce qu’en font ses utilisateurs, c’est l’idée sous-jacente de l’explosion de la mise en ligne de contenu personnel. L’intérêt de la mise en ligne d’une production personnelle, c’est qu’elle touche au moins une autre personne et qu’elle mette en place un processus humain. Par processus humain, j’entends toute une gamme de réactions : le rire, le dégoût, l’excitation, l’énervement, la contrariété… en somme tout l’éventail des sentiments et des réflexions. Attention, on ne parle pas ici de blog où le contenu détaille la vie de son rédacteur comme un simple journal intime, s’il y a effectivement un processus exhibitionniste à l’œuvre dans la production de contenu sur Internet, son rôle est avant tout, selon moi, à inclure dans la quête de connaissances et dans la curiosité propre à chacun.

Notre vie est ainsi faite, nous naissons, et les premiers apprentissages vont dans le sens de l’interaction avec son environnement. Dans un premier temps on apprend à se saisir d’objets, puis à se mouvoir, puis vient l’apprentissage de la parole qui permet d’interagir avec les autres. Ensuite, la vie est faite d’une succession d’interactions avec d’autres êtres vivants et c’est comme cela qu’on se forme une personnalité, un moi, qui nous définira plus tard en tant qu’adulte.

L’école n’est qu’un moyen pour chacun de se former un moi, de définir les contours de ses préférences et a un grand rôle d’implication dans le tissus social. Par extension, on voit rapidement que la mise à contribution de production personnelle sur Internet participe de ce processus. On propose une vision des choses, propre, qu’on souhaite partager pour la confronter ne serait-ce qu’à une idée différente, afin de s’explorer encore mieux. C’est là où intervient selon moi ce processus d’exhibitionnisme. On donne à voir une part de soi pour se confronter aux autres et essayer par là même de mieux se connaître.

L’idée de visibilité intervient à ce niveau même du processus. En effet, pourquoi mettre à disposition de tous du contenu propre si ce n’est pour pas le confronter à d’autres entités pensantes ?

La question de l’égo doit être abordée. Comme tout être pensant, on a une idée de soi qui correspond à l’image que se font les autres de nous, à une subjectivité. L’égo est l’évaluation personnelle de soi, sa propre auto-estimation (pour en savoir un peu plus sur l’égo et ses théoriciens). Cet égo peut être plus ou moins développé chez les individus, et la confrontation permanente à d’autres entités pensantes le fait varier. Par exemple, une situation professionnelle difficile, qui implique des brimades de la part de la hiérarchie concernant la qualité de son travail peut déboucher sur des doutes quant à sa propre valeur.

Les modifications de sa propre estime vont varier selon le caractère propre de chacun et il serait peut être fastidieux de rentrer dans les détails. A l’inverse, quand le sujet est respecté et admiré pour ce qu’il fait (est), alors son estime personnelle peut grimper. Cela peut conférer un sentiment de puissance. Dans le cadre de la production personnelle, cela peut perturber le processus de confrontation aux autres, en cela qu’une trop haute estime de soi peut empêcher de prendre en compte des idées provenant d’autres et induire une sur-estime de ses propres capacités.

Toute cette démonstration pseudo philosophique pour en arriver où ? Ah oui, à parler de la visibilité sur Internet. Donner de la visibilité à sa production sur Internet permet de la confronter à d’autres ressentis, mais il peut survenir un processus de surestime de soi qui empêche cette autoévaluation. Pourquoi l’interaction sur Internet est-elle particulière ? Parce que, premièrement, sur un blog, ou dans un article, on a accès qu’à une partie minime de la personnalité du rédacteur, et parce que tous les stimuli de la communication interpersonnelle ne sont pas là pour garantir l’intégralité de la compréhension du message. Cette limite peut induire des réactions contrastées. Et bien à l’abri derrière un pseudo, on peut se sentir fort et ne pas faire de cas des idées des uns des autres. Un exemple typique de ce type de comportement est le troll.

On peut alors aisément comprendre que, dans ce système de relations interpersonnelles humaines virtuelles qu’est Internet, certains comportements deviennent excessifs. Se sentant appuyé par un grand nombre, on va développer une grande estime de soi, qui va pousser à donner encore plus de visibilité à sa production, uniquement pour satisfaire son égo et recevoir l’aval, par la pensée, de ses pairs. C’est un des dangers de cet environnement virtuel, qui ne donne pas toutes les clés de compréhension classiques de la relation interpersonnelle.

On vient d’essayer de comprendre pourquoi donner de la visibilité à sa production personnelle sur Internet et en comprendre les limites qui peuvent y survenir. Maintenant on va essayer, de façon plus pragmatique, de sortir du théorique pour rentrer plus dans la pratique.

Concrètement, il existe des moyens pour donner plus de visibilité à son contenu, afin de confronter plus son moi aux autres. Le premier moyen est de faire connaître ses articles dans son cercle d’amis, au travers des réseaux sociaux (qu’on a présentés un peu plus haut). Cela reste une démarche intéressante, mais on a tendance à penser que l’intérêt est limité dans la mesure où précisément on connaît ses amis. En effet, on souhaite toujours confronter son point de vue, ses idées avec des entités pensantes nouvelles, pour évoluer toujours. Alors on peut pousser ses articles sur différents supports, tels les digglikes (le premier : digg), qui proposent aux membres de ces sites d’élire les meilleurs post qui feront l’objet d’une visibilité maximale en page d’accueil du site.

Pour promouvoir ses productions, il existe aussi des solutions techniques, notamment prendre en compte l’architecture du site Internet ainsi que la façon dont il est rédigé pour le faire remonter dans le référencement des moteurs de recherche ( le référencement naturel ou SEO en anglais, pour Search Engine Optimization).

D’autres moyens sont possibles, mais ils impliquent d’investir de l’argent dans la visibilité. L’intérêt est limité pour la simple production personnelle de contenu sur Internet, alors que pour l’entreprise commerciale (cf. article précédent.) qui est dans une démarche de signification de son offre à l’attention du consommateur, l’intérêt est primordial.

Cette dernière réflexion m’amène à la dernière partie de cet article. En effet, diffuser de la production propre est une noble activité, et elle permet de se confronter aux autres, toujours dans l’intérêt d’évoluer. Mais pragmatiquement, on reste loin de la réalité des faits.

La plupart des blogs un tantinet suivis aujourd’hui diffusent des messages publicitaires (et c’est le cas de MediaNaranja). Plus la page est vue, plus le message publicitaire va rapporter de l’argent au diffuseur. Dans ce cas, la visibilité n’est plus uniquement valable pour la production personnelle, mais pour générer du profit. Alors pour certains, cette publicité va permettre de financer la mise en œuvre de moyens techniques (hébergement, achat de nom de domaine, serveurs…) mais elle peut aussi devenir une activité lucrative. Dès lors, la mise en ligne de production s’apparente à une activité commerciale et l’idée de confrontation de points de vue, d’évolution, perd toute sa signification. On entre dans le domaine de la communication commerciale comme elle l’est pratiquée par les entreprises. Pis, on est le moyen (le mégaphone, rappelez vous) de diffusion du message publicitaire. La visibilité devient l’outil de génération de profit.

Il convient toutefois de nuancer cet état des lieux. La production personnelle conserve une valeur, celle qu’elle a aux yeux du lecteur, de celui qui va confronter sa vision des choses avec celle de l’auteur. Cet article par exemple, ne se veut pas une incitation au clic sur les liens commerciaux présents sur la page, mais une invitation à la réflexion. Il sera ou ne sera pas bien perçu, mais il permettra à son rédacteur de confronter son point de vue avec celui de ses lecteurs. La démarche reste avant tout garante du maintien du processus d’amélioration continu de soi. Pour dire cela simplement, le contenu est la clé de la visibilité sur Internet, la caution morale en étant la démarche.

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