lundi 24 novembre 2008

La visibilité sur Internet : la quête du Graal du 21ème siècle (partie 2)

Où on va parler de Web 2.0, de relations interpersonnelles, de construction de soi, de trolls, de contenu et enfin de visibilité !

Dans l’article précédent, on a passé en détail les raisons qui poussent les entreprises commerciales à acquérir de la visibilité sur Internet. On a défini pour cela des concepts qui nous ont permis de mieux comprendre les tenants et aboutissants pour l’entreprise commerciale de la communication dite interactive. Il est grand temps d’aborder la visibilité sur Internet dans un sens plus vaste, c’est-à-dire ne pas limiter le champ d’exploration du concept uniquement à l’intérêt profitable (dans le sens pécuniaire du terme) mais dans son ensemble, pour en comprendre les raisons et en aborder les limites.

Dans l’introduction je parlais de Web 2.0, et il me semble qu’il est nécessaire à ce niveau là de la réflexion d’essayer de définir ce que des marketeurs judicieux ont réuni sous le concept de Web 2.0. Pour stopper toute velléité effrénée de la part de mes détracteurs (qui aiment ça), je vais ajouter que cette définition n’est en rien une vérité transcendantale, mais plutôt la façon dont j’envisage cette évolution du réseau Internet.

Le Web 2.0 est une expression lancée dès 2004 par Tim O’Reilly pour désigner le renouveau du World Wide Web. Le renouveau consiste en un changement des usages du Web. Il s’explique par comparaison aux usages initiaux du Web. Les usages initiaux du Web sont la recherche d’informations, la mise à disposition de contenu figé, statique, sans ou avec de faibles mises à jour de contenu. Le Web 2.0 lui permet une mise à jour de contenu sans cesse renouvelée grâce aux nouvelles technologies mises en œuvre, mais aussi par la mise à contribution de l’utilisateur. C’est là la grande nouveauté, le Web 2.0, c’est le web participatif, c’est le web qui implique les participants. C’est aussi le web qui battit des réseaux, dit réseaux sociaux. Les réseaux sociaux sont la mise en relation d’utilisateurs sur la base d’intérêt communs. Les plus connus/employés à ce jour sont par exemple Myspace (qui vieillit mal, mais c’est un avis), Facebook, les réseaux professionnels tels que Viadeo ou LinkedIn…

Les outils les plus emblématiques de cette révolution des usages du Web sont bien évidemment les blogs qui permettent aux usagers d’Internet de proposer du contenu. Par extension, et plus récemment, les sites de partage vidéo tels Dailymotion ou Youtube sont assez représentatifs de cet esprit participatif. De là à dire que Ségolène Royal a pompé le concept pour sa campagne, il n’y a qu’un pas que je ne me permettrai pas de franchir !

Une des grandes nouveautés est aussi la possibilité pour l’internaute de personnaliser l’usage qu’il fait d’Internet. On a coutume de dire en parlant « Web 2.0 » que ce n’est plus l’utilisateur qui va chercher l’information, mais que l’information vient à lui. C’est le cas avec les flux Rss qui permettent de centraliser toutes les informations (mises à jour) sur une seule et même page d’accueil.

On a bien compris avec cette description rapide, et qui ne se veut absolument pas exhaustive, la définition des nouveaux usages d’Internet. Mais vous me direz, arrête de déblatérer des concepts surannés, et viens en à l’essentiel ! Et vous n’auriez pas tort ! Que viens faire la visibilité dans tout ça ? Il est temps d’entrer à pieds joints dans le vif du sujet.

Internet est devenu ce qu’en font ses utilisateurs, c’est l’idée sous-jacente de l’explosion de la mise en ligne de contenu personnel. L’intérêt de la mise en ligne d’une production personnelle, c’est qu’elle touche au moins une autre personne et qu’elle mette en place un processus humain. Par processus humain, j’entends toute une gamme de réactions : le rire, le dégoût, l’excitation, l’énervement, la contrariété… en somme tout l’éventail des sentiments et des réflexions. Attention, on ne parle pas ici de blog où le contenu détaille la vie de son rédacteur comme un simple journal intime, s’il y a effectivement un processus exhibitionniste à l’œuvre dans la production de contenu sur Internet, son rôle est avant tout, selon moi, à inclure dans la quête de connaissances et dans la curiosité propre à chacun.

Notre vie est ainsi faite, nous naissons, et les premiers apprentissages vont dans le sens de l’interaction avec son environnement. Dans un premier temps on apprend à se saisir d’objets, puis à se mouvoir, puis vient l’apprentissage de la parole qui permet d’interagir avec les autres. Ensuite, la vie est faite d’une succession d’interactions avec d’autres êtres vivants et c’est comme cela qu’on se forme une personnalité, un moi, qui nous définira plus tard en tant qu’adulte.

L’école n’est qu’un moyen pour chacun de se former un moi, de définir les contours de ses préférences et a un grand rôle d’implication dans le tissus social. Par extension, on voit rapidement que la mise à contribution de production personnelle sur Internet participe de ce processus. On propose une vision des choses, propre, qu’on souhaite partager pour la confronter ne serait-ce qu’à une idée différente, afin de s’explorer encore mieux. C’est là où intervient selon moi ce processus d’exhibitionnisme. On donne à voir une part de soi pour se confronter aux autres et essayer par là même de mieux se connaître.

L’idée de visibilité intervient à ce niveau même du processus. En effet, pourquoi mettre à disposition de tous du contenu propre si ce n’est pour pas le confronter à d’autres entités pensantes ?

La question de l’égo doit être abordée. Comme tout être pensant, on a une idée de soi qui correspond à l’image que se font les autres de nous, à une subjectivité. L’égo est l’évaluation personnelle de soi, sa propre auto-estimation (pour en savoir un peu plus sur l’égo et ses théoriciens). Cet égo peut être plus ou moins développé chez les individus, et la confrontation permanente à d’autres entités pensantes le fait varier. Par exemple, une situation professionnelle difficile, qui implique des brimades de la part de la hiérarchie concernant la qualité de son travail peut déboucher sur des doutes quant à sa propre valeur.

Les modifications de sa propre estime vont varier selon le caractère propre de chacun et il serait peut être fastidieux de rentrer dans les détails. A l’inverse, quand le sujet est respecté et admiré pour ce qu’il fait (est), alors son estime personnelle peut grimper. Cela peut conférer un sentiment de puissance. Dans le cadre de la production personnelle, cela peut perturber le processus de confrontation aux autres, en cela qu’une trop haute estime de soi peut empêcher de prendre en compte des idées provenant d’autres et induire une sur-estime de ses propres capacités.

Toute cette démonstration pseudo philosophique pour en arriver où ? Ah oui, à parler de la visibilité sur Internet. Donner de la visibilité à sa production sur Internet permet de la confronter à d’autres ressentis, mais il peut survenir un processus de surestime de soi qui empêche cette autoévaluation. Pourquoi l’interaction sur Internet est-elle particulière ? Parce que, premièrement, sur un blog, ou dans un article, on a accès qu’à une partie minime de la personnalité du rédacteur, et parce que tous les stimuli de la communication interpersonnelle ne sont pas là pour garantir l’intégralité de la compréhension du message. Cette limite peut induire des réactions contrastées. Et bien à l’abri derrière un pseudo, on peut se sentir fort et ne pas faire de cas des idées des uns des autres. Un exemple typique de ce type de comportement est le troll.

On peut alors aisément comprendre que, dans ce système de relations interpersonnelles humaines virtuelles qu’est Internet, certains comportements deviennent excessifs. Se sentant appuyé par un grand nombre, on va développer une grande estime de soi, qui va pousser à donner encore plus de visibilité à sa production, uniquement pour satisfaire son égo et recevoir l’aval, par la pensée, de ses pairs. C’est un des dangers de cet environnement virtuel, qui ne donne pas toutes les clés de compréhension classiques de la relation interpersonnelle.

On vient d’essayer de comprendre pourquoi donner de la visibilité à sa production personnelle sur Internet et en comprendre les limites qui peuvent y survenir. Maintenant on va essayer, de façon plus pragmatique, de sortir du théorique pour rentrer plus dans la pratique.

Concrètement, il existe des moyens pour donner plus de visibilité à son contenu, afin de confronter plus son moi aux autres. Le premier moyen est de faire connaître ses articles dans son cercle d’amis, au travers des réseaux sociaux (qu’on a présentés un peu plus haut). Cela reste une démarche intéressante, mais on a tendance à penser que l’intérêt est limité dans la mesure où précisément on connaît ses amis. En effet, on souhaite toujours confronter son point de vue, ses idées avec des entités pensantes nouvelles, pour évoluer toujours. Alors on peut pousser ses articles sur différents supports, tels les digglikes (le premier : digg), qui proposent aux membres de ces sites d’élire les meilleurs post qui feront l’objet d’une visibilité maximale en page d’accueil du site.

Pour promouvoir ses productions, il existe aussi des solutions techniques, notamment prendre en compte l’architecture du site Internet ainsi que la façon dont il est rédigé pour le faire remonter dans le référencement des moteurs de recherche ( le référencement naturel ou SEO en anglais, pour Search Engine Optimization).

D’autres moyens sont possibles, mais ils impliquent d’investir de l’argent dans la visibilité. L’intérêt est limité pour la simple production personnelle de contenu sur Internet, alors que pour l’entreprise commerciale (cf. article précédent.) qui est dans une démarche de signification de son offre à l’attention du consommateur, l’intérêt est primordial.

Cette dernière réflexion m’amène à la dernière partie de cet article. En effet, diffuser de la production propre est une noble activité, et elle permet de se confronter aux autres, toujours dans l’intérêt d’évoluer. Mais pragmatiquement, on reste loin de la réalité des faits.

La plupart des blogs un tantinet suivis aujourd’hui diffusent des messages publicitaires (et c’est le cas de MediaNaranja). Plus la page est vue, plus le message publicitaire va rapporter de l’argent au diffuseur. Dans ce cas, la visibilité n’est plus uniquement valable pour la production personnelle, mais pour générer du profit. Alors pour certains, cette publicité va permettre de financer la mise en œuvre de moyens techniques (hébergement, achat de nom de domaine, serveurs…) mais elle peut aussi devenir une activité lucrative. Dès lors, la mise en ligne de production s’apparente à une activité commerciale et l’idée de confrontation de points de vue, d’évolution, perd toute sa signification. On entre dans le domaine de la communication commerciale comme elle l’est pratiquée par les entreprises. Pis, on est le moyen (le mégaphone, rappelez vous) de diffusion du message publicitaire. La visibilité devient l’outil de génération de profit.

Il convient toutefois de nuancer cet état des lieux. La production personnelle conserve une valeur, celle qu’elle a aux yeux du lecteur, de celui qui va confronter sa vision des choses avec celle de l’auteur. Cet article par exemple, ne se veut pas une incitation au clic sur les liens commerciaux présents sur la page, mais une invitation à la réflexion. Il sera ou ne sera pas bien perçu, mais il permettra à son rédacteur de confronter son point de vue avec celui de ses lecteurs. La démarche reste avant tout garante du maintien du processus d’amélioration continu de soi. Pour dire cela simplement, le contenu est la clé de la visibilité sur Internet, la caution morale en étant la démarche.

Merci à vous pour votre attention, nous attendons vos réactions et vous donnons rendez-vous très bientôt pour de nouveaux articles !

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