vendredi 6 juin 2008

Le RAAV déplore la fermeture de la Société du droit d’auteur en arts visuels (SODART)

Malgré les démarches insistantes du Regroupement des artistes en arts visuels du Québec (RAAV) en vue de maintenir un soutien financier, ne serait-ce que temporaire, pour les services de gestion de droit d’auteur offerts par la SODART, le RAAV a essuyé un refus tant du Conseil des arts et des lettres du Québec que de la Ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, Mme Christine St-Pierre. Le financement demandé aurait aussi permis de mener une étude sur la problématique du droit d’auteur en arts visuels et de sa gestion collective.

C’est, il va sans dire, avec une grande tristesse et passablement d’amertume que le RAAV voit s’éteindre un organisme vital pour le milieu des arts visuels québécois. La SODART est une partie intrinsèque et fondamentale de la filière économique des arts visuels et sa disparition laissera un grand vide dans notre milieu.

Pour le RAAV, la solution proposée par les dirigeants de la SODART, et soutenue par le Ministère et le CALQ, consistant à recommander à leurs adhérents de confier la gestion de leurs droits d’auteur à la SODRAC, tout en étant pragmatique, n’apparaît pas comme la seule option possible. Sans nier le fait que la SODRAC ait pu développer au fil des ans une expertise certaine dans le domaine des arts visuels, le fait demeure que cette société de gestion se spécialise en musique et que son Conseil d’administration est formé d’auteurs-compositeurs et de producteurs de disques. Il est également patent que la gestion du droit d’auteur en arts visuels est déficitaire au Québec et au Canada en raison du manque de reconnaissance des droits des artistes du secteur à une rémunération décente pour l’utilisation de leurs œuvres.

Une rencontre est prévue avec des représentants de la SODRAC afin d’explorer les capacités d’accueil de cette société en ce qui a trait aux services qu’il conviendrait de rendre disponibles aux artistes en arts visuels du Québec. Le principe d’une participation d’artistes en arts visuels au conseil d’administration de la SODRAC constitue une condition importante aux yeux des dirigeants du RAAV pour qu’ils encouragent les artistes à y adhérer.

C’est pourquoi le RAAV suggère à ses membres de ne pas répondre immédiatement à la sollicitation de la SODRAC. Au cours des prochaines semaines, d’autres options seront étudiées qui pourront être proposées aux artistes. En outre, l’AGA du RAAV aura lieu le 31 mai prochain et ce sujet sera discuté par les membres en assemblée.

30 –

Christian Bédard
Directeur général
Regroupement des artistes en arts visuels du Québec (RAAV)
514-866-7101 # 30
http://www.raav.org/

SODART: Chronique d’une fermeture annoncée

Contrainte de fermer ses portes faute de soutien public, et en l’absence d’une loi adéquate permettant la négociation collective de meilleures conditions de diffusion des œuvres des artistes en arts visuels québécois, la SODART a dû annoncer au RAAV la fin de ses services de gestion de droits, d’information et d’éducation des artistes et des diffuseurs sur le droit d’auteur en arts visuels. En effet, le Ministère et le CALQ ont tous deux décidé, le premier en 2005 et le second en 2008, de cesser leur soutien financier à la SODART, cet organisme de gestion collective du droit d’auteur en arts visuels que le RAAV avait fondé en 1997.

De 1997 à 2004, le Ministère et le CALQ ont assuré conjointement un financement de démarrage de ce projet du RAAV. En raison de pressions du Ministère et du CALQ, le RAAV a procédé à la séparation des deux organismes de façon à les rendre autonomes l’un par rapport à l’autre. Cette séparation s’est concrétisée en 2004. Malgré cela, en 2005, le Ministère annonçait qu’il cessait d’accorder son appui financier à la SODART alors que le CALQ maintenait temporairement le sien mais avec une somme nettement insuffisante pour lui permettre de poursuivre son développement et d’espérer se rentabiliser.

Dans ce contexte, le RAAV a accordé bon an mal an son soutien technique et moral à la SODART. Il était clair, cependant, qu’une réflexion en profondeur devait se faire sur la problématique globale du paiement des droits d’auteurs en arts visuels et de la gestion de ces droits. L’existence de trois intervenants dans ce secteur au Canada (SODART, CARCC et SODRAC), dont deux au Québec, n’étant pas le moindre des problèmes auxquels il faut trouver une solution. C’est pourquoi, en 2004, le RAAV avait soumis au Ministère une demande de financement pour commander une étude sur l’ensemble de cette problématique. Cette demande, bien que très raisonnable, lui avait été refusée. Si cette étude avait pu être menée, les causes du problème auraient probablement été identifiées et l’on aurait déjà mis en application des mesures correctives.

Un recul pour le milieu des arts visuels

C’est, il va sans dire, avec une grande tristesse et passablement d’amertume que le RAAV voit s’éteindre un organisme vital pour le milieu des arts visuels québécois. La SODART est une partie intrinsèque et fondamentale de la filière économique des arts visuels et sa disparition est un symptôme évident des difficultés de ce milieu à se structurer en faveur des artistes.

L’attitude des instances gouvernementales envers ce secteur culturel d’une grande fragilité, et dont les artistes ont un revenu annuel net moyen de 8 500 $ provenant de leur pratique professionnelle, ne laisse pas d’inquiéter les dirigeants actuels du RAAV. Avec la disparition de la SODART c’est plus de dix ans d’expertise et d’investissements de fonds publics qui s’envolent en fumée. Pour le RAAV, la disparition de la SODART constitue un net recul pour l’ensemble d’un secteur artistique déjà très fragile.

Aux yeux du RAAV, la SODART revêtait une importance stratégique majeure pour tous les artistes québécois des arts visuels. Deux objectifs ont présidé à sa création. Un premier objectif était d’offrir aux artistes québécois une société de perception de droits d’auteur dont ils auraient le contrôle. Le rôle de vigilance de cette société spécialisée en arts visuels était essentiel dans la promotion et la défense des droits des créateurs et créatrices. Le second, tout aussi important, était de constituer éventuellement un levier financier, contrôlé par les artistes en arts visuels, pour améliorer collectivement leurs conditions socioéconomiques.

Cependant, il est apparu évident au fil des ans que la survie financière de «notre» société de gestion était dépendante de l’évolution de tout le secteur des arts visuels. L’État et les agences subventionnaires portent une certaine responsabilité en ne liant pas l’attribution des subventions aux diffuseurs au plein paiement des droits d’auteur (droit d’exposition et droit de reproduction des œuvres). Les agences gouvernementales fédérales et provinciales ne sont pas en reste puisque, trop souvent, elles offrent aux artistes des contrats par lesquels on leur demande de se dépouiller gratuitement de leurs droits d’auteur. On a même vu un musée national réclamer des droits d’auteur à un artiste qui leur avait fait don de son œuvre et qui voulait l’emprunter pour une exposition. C’est dire dans quel contexte la défense du droit d’auteur en arts visuels au Québec et au Canada se situe.

De plus, le fait que la Loi sur le statut professionnel des artistes des arts visuels, des métiers d’art et de la littérature et sur leurs contrats avec les diffuseurs (L.R.Q. c. S-32.01) ne favorise pas, dans son libellé actuel, la négociation d’ententes collectives avec les diffuseurs en arts visuels n’aide en rien à la perception des droits d’auteur. En effet les artistes de ce domaine sont amenés à signer des contrats leur offrant des conditions déplorables pour la diffusion de leurs œuvres dans les institutions subventionnées par l’État.

L’État québécois, en ne s’assurant pas qu’un traitement plus respectueux des créateurs et de leurs droits d’auteur est offert par les diffuseurs qu’il subventionne et les agences culturelles qu’il contrôle, contribue directement à la stagnation des conditions socioéconomiques des artistes en arts visuels. L’absence d’une politique gouvernementale claire et cohérente concernant ce secteur économique confine à une forme de négligence institutionnalisée.

Christian Bédard
Directeur général
Regroupement des artistes en arts visuels du Québec

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